Traduction de Towards structured blogging
Towards structured blogging - Sébastien Paquet
Traduction : Dolores Tam
Version française approuvée, retouchée et bonifiée par l’auteur
Vers un carnet Web structuré
Ces derniers temps, j’ai réfléchi à la possibilité de faire évoluer les outils d’édition de carnets Web afin de permettre aux carnetiers d’en structurer le contenu, en vue de favoriser et de faciliter le repérage des sujets jugés d’intérêt par les lecteurs.
Pour le moment, le paysage se résume généralement à un vaste réservoir de billets postés sur les carnets, chacun implicitement lié à son auteur et assorti de sa date de publication. Supposons maintenant que j’aie rédigé une critique du dernier album de Jean Leloup et que je l’aie publiée sur mon carnet. J’aimerais que les fervents de Jean Leloup ainsi que les amateurs de musique en général, qui ne me connaissent pas nécessairement, soient en mesure d’extraire facilement mon texte du réservoir commun. Des gens intéressants pourraient faire ma connaissance grâce à cela, ma critique étant directement liée à mon carnet Web.
Il s’agit ici d’encourager les carnetiers à incorporer davantage de métadonnées à leur contenu. Il demeure cependant que le permettre est une chose et l’encourager en est une autre. Je serais d’avis que la seconde représente le plus grand défi.
L’importance de la rétroaction
Je crois que l’élément critique qui sous-tend un système viable est l’obtention par les auteurs d’une rétroaction rapide, en compensation de l’effort supplémentaire déployé pour créer des métadonnées. L’Internet Topic Exchange, où Phillip Pearson a implanté le concept de « ridiculously easy group-forming » (la formation de groupes, dérisoirement simple) semble devoir son succès, principalement, à la rapidité de la boucle de rétroaction. Ce concept pourrait constituer un point de départ pour atteindre nos objectifs de structure du cybercarnet. Voici une illustration du mode de fonctionnement d’Internet Topic Exchange :
Version française du diagramme : Sylvain Carle (À noter : « auto-rétroaction » correspond à « TrackBack » dans le texte)
L’usager (sur la gauche) associe des sujets déterminés à des entrées (billets ou articles) sélectionnées en leur attribuant une URL Ping ; le protocole « TrackBack » transporte l’information postée au serveur de sujets (le carré, sur l’illustration) et, de là, les informations se dirigent vers des carnets ouverts, à sujets précis (sur la droite). (Pour illustrer mon propos, je n’ai pas à vous parler des pages Wiki associées à chaque sujet.) Créer un nouveau thème est aussi facile que de lui trouver un nom ; tous sont autorisés (et encouragés) à le faire.
Cette étape franchie, les gens intéressés par des sujets particuliers sont maintenant aux aguets, et c’est là que la partie de plaisir commence. Supposons que Roger (notre bonhomme jaune) ne connaisse pas Ginette (notre bonne femme mauve). Cependant, il surveille consciencieusement le Sujet 1. Ginette vient à croiser le canal du Sujet 1 et y poste un billet, puisqu’elle est également intéressée par la chose. Peu de temps après, Roger reçoit le billet de Ginette dans son agrégateur, jette un œil à son carnet et voilà (NdT : en français dans le texte), les beaux esprits se rencontrent.
Dans ce cas-ci, les métadonnées qui ont réussi à relier Roger, Ginette et les autres personnes partageant le même intérêt se résument à une simple identification de sujet. Ce système simple a contribué à la genèse de groupes tels que spanish bloggers, emergent democrats et Austin bloggers.
Au-delà des sujets
Comment pourrions-nous adapter ce modèle à une forme plus sophistiquée de métadonnées, par exemple dans le cas d’une critique musicale ? Voici une possibilité. Nous empruntons l’architecture de base de l’Exchange, mais ajoutons un nouveau genre de billets carnetiers (« blog posts ») appelé « critiques musicales ». Une liste déroulante me permettrait, par exemple, de choisir entre « billets ordinaires » et « critiques musicales ». L’interface utilisée pour saisir un billet sous « critique musicale » pourrait ressembler à ceci :
Version française de la capture d'écran : Sylvain Carle.
(Je tiens ici pour acquis l’existence d’une norme pour les critiques musicales, incluant un titre, un code d’identification pour la pièce musicale critiquée, une cote d’évaluation, et du texte. Si vous connaissez un tel genre de norme, je vous saurais gré de m’en informer.)
Dans un monde idéal, un bouton « Find » (trouver) ouvrirait en fenêtre éclair un menu d’aide qui vous permettrait de fouiller une base de métadonnées musicales (par exemple, MusicBrainz) pour rapidement rapatrier un code d’identification clair et sans ambiguïté propre à l’objet de votre critique (l’outil pourrait également vous demander de contribuer à la base si rien n’a été recensé sur la pièce musicale évaluée), et de saisir le tout.
Vous remplissez les autres champs, cliquez « post » (publier), et votre partie du boulot est pratiquement faite. Le système ferait ensuite trois choses. Premièrement, il entrepose la critique quelque part sur votre site, dans un format préservant la structure de critique musicale. Deuxièmement, il convertit votre entrée en un billet régulier pour que vous puissiez le publier sur votre carnet et par votre fil RSS. Troisièmement, il communique avec un (ou plusieurs) service(s) de dépouillement central (« central indexing service ») analogue(s) à Topic Exchange mais connaissant le format « critique musicale », et l’informe de la mise en ligne de votre critique et de son emplacement. Ce service central fournit également un éventail de fils RSS. Il pourrait s’agir de fils propres à une chanson, un disque, un artiste, un genre musical, etc., auxquels vous pouvez vous abonner. Vous pourriez vous inscrire au fil « Chansons et albums de Jean Leloup » et recevoir toutes les critiques portant sur ces œuvres dès leur publication. Mais peut-être préférerez-vous plutôt être seulement prévenu lorsque quelqu’un se sera intéressé à une chanson particulière que vous appréciez, auquel cas vous vous abonneriez au fil correspondant.
Tout comme dans le cas de Topic Exchange, de ces fils RSS viendra la rétroaction (et l’accoutumance!), et c’est grâce eux que des liens interpersonnels s’établiront et que se formeront de grappes de personnes autour d’intérêts communs.
Voyons plus grand
Généralisons maintenant le propos. J’ai abordé le sujet des critiques musicales, mais le système devrait aussi fonctionner avec d’autres genres de contenu. Critiques de vidéoclips, films (en utilisant IMDB ?), publicités, émissions de télé, jeux, stations radiophoniques, carnets Web, restaurants (peut-être en utilisant les données GPS), articles scientifiques, objets d’apprentissage… Les formes de microcontenu envisageables ne se limitent pas aux critiques; il pourrait s’agir de paroles de chansons, de transcriptions d’émissions télé, de citations, ou de données d’identité personnelle.
Chacune de ces catégories aurait ses propres normes en matière de format. L’idée de base est de permettre au système des carnets Web de supporter un plugiciel « alternatif » pour éditer ses billets. Tout le monde devrait être en mesure de développer un tel plugiciel (et d’y rattacher un service de dépouillement) pour une catégorie souhaitée de microcontenu.
Si une telle possibilité se concrétisait et portait fruit, elle ferait concurrence aux bases de données hébergées et gérées par des intérêts commerciaux, nourries par les utilisateurs, telles que la banque de critiques et d’évaluation d’Amazon. Un des avantages les plus marqués serait celui d’affirmer le contrôle du contenu par les contributeurs.
Les gens seront-ils suffisamment intéressés à conserver le contrôle de leurs textes et à les regrouper en un même endroit pour délaisser les bases de données à saveur commerciale ? Je crois que c’est possible. À tout le moins je sais que je le ferais.
D’autres personnes poursuivent des réflexions dans la même veine : Danny Ayers, Alf Eaton, Marc Canter, Sam Ruby, Ben Trott, Karl Dubost, pour n’en nommer que quelques-uns. Ce serait bien de concrétiser ce genre de chose en 2003.