Le
« contrat nouvelle embauche »,
créé par ordonnance du 4 août dernier,
concerne 96% des entreprises, employant un tiers du salariat. Il
permet, pendant une durée de deux années, de
licencier un salarié sans énoncer de motif et
avec un préavis et une indemnité minimum.
Loin de
créer des emplois, il va accélérer la
rotation des effectifs dans des entreprises où six emplois
sur dix sont déjà temporaires ou occasionnels. La
crainte d’un licenciement immédiat conduira nombre
de salariés à accepter des conditions indignes,
de travail, d’horaire ou de salaire. Ce type de contrat
placera son titulaire dans une situation de
précarité lourde de conséquences dans
tous les domaines de la vie quotidienne, logement, prêt
bancaire, etc.
Outre ses implications directes sur les salariés,
cette ordonnance rompt avec des principes fondamentaux du droit du
travail et nous ramène 130 ans en arrière1.
C’est pourquoi la Cgt a décidé de
combattre cette ordonnance également sur le terrain
juridique, en la déférant devant le Conseil
d’Etat.
Elle viole la Convention n°158 de
l’Organisation internationale du travail (OIT) et
l’article 24 de la Charte sociale européenne,
textes ratifiés par la France et posant
l’obligation de justifier d’un motif de
licenciement. Elle supprime l’exercice des droits de la
défense face à une menace de licenciement,
interdit un contrôle effectif par un juge et prive le
salarié de toute indemnisation en cas de licenciement
abusif, principes fondamentaux issus de la Déclaration des
droits de l’homme et maints fois
réaffirmés par le Conseil constitutionnel et le
Conseil d’Etat. Ainsi, un employeur pourra licencier
impunément pour un motif illicite : maladie,
grève, opinion, acte de la vie privée, etc.
La Cgt a également attaqué
l’ordonnance excluant les salariés de moins de 26
ans du calcul des effectifs des entreprises. Il
s’agît en effet d’une disposition
extrêmement générale, visant
à empêcher artificiellement le
déclanchement de toutes les obligations sociales ou fiscales
liées à un seuil d’effectifs,
qu’elles aient ou non un rapport avec l’emploi2, ce
qui va bien au-delà des mesures autorisées par la
loi d’habilitation.
Elle est aussi en contradiction avec les directives
européennes portant sur la représentation des
salariés et sur les licenciements économiques.
Pour ces deux recours, déposés par
Maître Arnaud Lyon-Caen, avocat aux conseils, la Cgt a
demandé et obtenu un examen très rapide par le
Conseil d’Etat. En effet, la mise en œuvre
immédiate de ces dispositions entraîne des
conséquences graves pour les salariés
concernés.
Porter le débat sur le terrain judiciaire est pour
la Cgt un élément supplémentaire de
mobilisation et de rassemblement contre des mesures aussi inefficaces
pour l’emploi qu’attentatoires aux droits
fondamentaux.
Montreuil, le 9
août 2005
Sur le
même sujet :
- Deux articles de Gérard
Filoche du 4 juillet et du 11 août 05.

- Un texte (en ligne sur le site LDH Toulon)de la Fondation
Copernic du mois de juin 05.

- Et, pour être complet, la position du Medef du 21
juillet 05.

1.a
« Contrat
nouvelle embauche » une régression pour flatter
les instincts les plus bas !
4 juillet 2005
Sur quoi Villepin cherche t’il à jouer
avec son CNE ?
Le contrat Villepin sera rendu accessible le 1er septembre aux
entreprises de moins de vingt salariés...
Cela représente environ 98 % des entreprises et cela
concerne 1 salarié sur trois (prés de 5 millions)
! Ce n’est pas rien !
D’autant que Villepin a ouvert la porte pour les autres. Le
contrat «
devra être évalué au fur et
à mesure de sa mise en oeuvre, en liaison
avec les partenaires sociaux. Nous verrons alors s’il y a
lieu de
l’adapter dans ses modalités ou dans son champ
d’application ». En clair, ce contrat
pourra être étendu aux entreprises de plus de
vingt salariés : à toutes !
En fait qu’est-ce qui change avec le « contrat
nouvelle embauche de deux ans » ?
Selon Villepin : «
Les personnes qui seraient embauchées sous ce nouveau
régime juridique
bénéficieraient d’un préavis
de licenciement d’une durée de deux
semaines au bout de deux mois de travail ».
C’était déjà le cas
avant. En fait dans les Cdi « normaux », il
n’y avait pas d’indemnités
de licenciement avant deux ans révolus. «
Au bout de six mois, la durée de ce préavis
augmentera en fonction de l’ancienneté ».
C’était déjà le cas avant.
Il y avait une légère progressivité de
préavis, même si le « préavis
de deux mois » ne commençait
qu’après
deux ans révolus.
«
En cas de rupture du contrat,...[lire la suite]
1.b
Les
intégristes libéraux, le « contrat
nouvelle embauche » et l’explosion qui vient.
11
août 2005
"70%
des contrats sont des CDD et la moitié de ces contrats ne
durent pas
plus d'un mois (...) Entre ces contrats qui sont une forme
aiguë de
précarité et le contrat que nous proposons, il y
a un fossé. Donc,
c'est un progrès tout à fait
considérable", affirme M.
de Villepin pour justifier son nouveau « Cne
» contrat de nouvelle embauche…
Une plus grande précarité à
plus bas salaire :
Oui,
il y a un fossé, en effet. Mais si 70 % des contrats
à l’embauche sont
sous Cdd pourquoi en inventer d’autres encore plus
précaires ? En fait,
parce que les contrats sous Cdd, même d’un mois (et
ils ne peuvent
durer plus de 18 mois au total) sont à TERME FIXE,
l’employeur est
obligé de garder le salarié
jusqu’à ce terme sauf cas de force majeure
ou de faute du salarié, mais alors il faut qu’il
procède à la rupture
du contrat de façon régulière (une
lettre d’entretien préalable, une
lettre de licenciement motivée) et un recours reste possible
de la part
du salarié (qui peut demander d’être
payé jusqu’au TERME prévu).
Mais
rien de tout cela avec le Cne : le salarié pourra
être « viré » à
n’importe quel moment, jusqu’à la veille
des deux ans, du 730° jour,
sans motif, sans procédure autre que l’envoi
d’une lettre recommandée.
Donc, à tout moment,
l’insécurité de l’emploi
règne. La précarité est
plus grande évidemment que dans les 70 % de cas de Cdd
cités par
Villepin. Au lieu d’un contrat à
durée fixe, c’est un contrat
aléatoire. Au lieu d’un Cdi,
c’est un contrat dont la rupture est sans
motif…
Tandis qu’avec le Cdd, ...[lire la suite]

2.
Le
contrat "nouvelle embauche" : une remise en cause
majeure du droit du travail.
4 juillet 2005
Par Laurent
Garrouste, juriste en droit du travail et membre du bureau de la
Fondation Copernic et Patrick Le Moal, juriste en droit du travail.
A
fin de décourager toute revendication et poursuivre son
offensive
libérale, le gouvernement veut faire au droit du travail ce
que
Raffarin a fait avec la sécurité sociale et les
retraites. Ils savent
depuis 2002 qu’ils sont minoritaires dans le pays, leurs 80%
de députés
ne représentent que 25% du corps électoral.
Devant le risque de débâcle
post-référendaire, le nouveau gouvernement
orchestre une offensive par
le biais d’ordonnances,
sans courir le risque d’une discussion publique, qui pourrait
profiter
à la mobilisation sociale.
Lors
du referendum du 29 mai 2005, 55% des électeurs ont dit non
au traité
constitutionnel européen. Parmi eux, une
écrasante majorité d’ouvriers
et d’employés, mais aussi près de 60%
de jeunes de moins de 25 ans. Un
sondage publié par La Tribune
indiquait que 66%
des électeurs disposant d’un revenu de moins de
1000 euros avaient voté
non, 71% des électeurs travailleurs intérimaires,
69% des électeurs en
CDD, mais aussi 58% des électeurs en CDI. Tout indique que
ce non est
un non à l’insécurité
sociale généralisée, à la
société libérale, un
non porté par une grosse majorité du salariat y
compris ses couches les
plus précarisées et fragilisées, dont
une partie s’était réfugiée
dans
l’abstention depuis plusieurs années.
A ce non
social...[lire la suite]

3.
Contrat de nouvelle
embauche : le MEDEF globalement favorable.
4
juillet 2005
Les ordonnances sur l’emploi étaient soumises pour
avis consultatif aux partenaires sociaux à
l’occasion du comité supérieur de
l’emploi. Le MEDEF s’est
déclaré « globalement favorable
» au contrat nouvelle embauche, mais souhaite qu’il
soit étendu « à l’ensemble
des entreprises».
Déclaration de Denis Gautier-Sauvagnac
à l’issue de la réunion :
Le contrat nouvelle embauche, qui était l’objet
principal de la discussion d’aujourd’hui, est une
opportunité d’embauche. Je crois qu’il
vaut mieux être en CNE qu’au chômage.
Il y a un moment où il faut dépasser les clivages
ou les conceptions archaïques. Ou bien on reste
figé sur le passé, ou bien on veut lutter contre
le chômage, ce qui passe par la multiplication des
opportunités d’embauche.
Globalement, nous sommes donc favorables à ce nouveau
contrat, même si nous avons fait part d’un certain
nombre d’observations.
Quand une opportunité d’embauche
supplémentaire est créée, on ne voit
pas pourquoi elle ne bénéficierait pas
à l’ensemble des entreprises,
c'est-à-dire des salariés de notre pays. Nous
avons donc suggéré - si l’on veut
vraiment garder les seuils d’effectifs - qu’au
moins toute entreprise qui embauche un chômeur puisse
appliquer le CNE.

3:34:43 PM
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