5 juin, 2002 | |
Un homme, une passion, une œuvreJ’aurais bien voulu entrer en matière d’un clin d’œil pseudo-littéraire du genre « Je vois au fond du café s’avancer un grand homme droit comme un pic, armé d’un regard perçant et scrutateur » ou encore « J’aperçus alors cet Einstein du mot et de la lettre, binocles en bout de nez et crinière en broussaille », mais je ne l’ai pas vu. Je vous avoue que j’avais un trac fou. En situation d’entrevue, quelle qu’elle soit, j’ai toujours misé sur un contact personnalisé, un climat de camaraderie et une atmosphère d’échange réciproque. Cette chimie, j’en étais certaine, ne pouvait survenir qu’en face à face, de regard à regard. Ici, rien de cela, l’entrevue s’est déroulée par l’entremise de msn messenger. Une première dans mon cas. Une première aussi pour Yvan Cloutier. Une première entrevue. Mais le trac est vite tombé. La confiance peut aussi s’établir par l’écrit. Quand le vocable devient atmosphère. L’homme : Yvan Cloutier. La bête : Eurêka La bête est née de la contamination de l’homme par les passions. Feu sacré pour les langues, engouement consommé pour la Toile. Terminologue au Bureau de la traduction du gouvernement fédéral, depuis un an son veilleur officiel, Yvan Cloutier a largement contribué à la sensibilisation et aux réalisations du Bureau en matière de cyberespace. Enthousiaste impénitent du verbe polyglotte, Yvan Cloutier amorce l’échange : « La Toile a complètement modifié ma manière de voir la chose langagière. » La nature de la bête L’image du compteur de mots reclus, prisonnier d’une langue statique et de règles, limité à sa version établie des notions agréées par l’Académie, est révolue. Le traducteur, le terminologue, le linguiste, (re?)deviennent des pivots culturels et Eurêka rassemble leurs outils. Yvan Cloutier exprime à merveille sa vision de la bête : « Eurêka est un ensemble de sites pour aider les traducteurs à travailler, pour aider à traduire le monde, pour aider les citoyens du monde entier à se comprendre. Eurêka aide tout le monde à se comprendre. » La nature de l’homme Cinquante-six berges, généreux, diplomate, bûcheur, travailleur, insatiable. En boni, charmant, charmeur et respectueux. De son propre dire, il est de surcroît « sensible, fidèle, patient et passionné », des qualités indéniables tant pour l’être que pour le langagier. Homme d’une grande ouverture sur le monde, « infecté » ad vitam aeternam par une curiosité et un instinct de fouineur virulents et résolument irrémédiables. Yvan Cloutier est aussi un athlète accompli, pas moins de 6 000 km de vélo et 1 000 km de ski de fond par année. Ouf ! Technautodidacte « En technologie, je suis autodidacte. C’est la terminologie qui m’a amené vers cette passion. Le métier de langagier impose une immense bibliothèque et la Toile nous fournit la plus grande du monde. Cette idée me poursuit et me donne le feu sacré pour tout essayer, tester. J’adore partager les trouvailles dont je me nourris, mais tout ce que je fais dans Eurêka, je le fais avant tout pour moi. Au tout début, j’ai commencé à faire de la veille technolinguistique dans mes heures de loisir et j’ai soudain eu envie de partager mes découvertes. » Le premier émerveillement Yvan Cloutier a encore un très clair souvenir de son cyberdépucelage. « La première fois que j’ai trouvé une banque de terminologie sur la Toile, j’ai eu l’impression de découvrir un jardin secret, j’étais émerveillé, ébahi comme un enfant ! De fil en aiguille, j’ai décidé de démarrer ma propre liste sur Yahoo, où coexistaient déjà mes principales sources (listes) de découvertes. À ma grande surprise, les langagiers sont venus en grand nombre et je suis devenu, avec un vif bonheur, un transmetteur de ressources. » Oeuvre en trois actes – l’argent et la sueur. De simple liste de discussion, Eurêka enfant devient adolescent, puis adulte. « Les gens de Foreigword.com m’observaient déjà depuis un bout de temps et ils m’ont approché (à titre gracieux, pécuniairement) pour forger la base Eurêka. Stephan Böhmig et Alberto Fontaneda, qui partagent ma passion des langues, on investit leurs propres fonds dans la mise sur pied de la banque. Nous étions arrivés au même point en même temps. Ils cherchaient un terminologue, je cherchais un véhicule. Nous avons travaillé d’arrache-pied pour construire la base. Eurêka, c’est aussi le portail que j’ai conçu à partir d’un script. Je suis un mordu de l’adaptation des scripts. Le portail est l’hôte des dernières refontes. Il a été repensé en fonction des domaines, qui débouchent sur des catégories de ressources, plutôt que l’inverse. Mais avant et par-dessus tout, le coeur d'Eurêka bat en sa forme première, la liste de discussion, l’outil privilégié de transmission du savoir et des repères. » La fragilité et l’instabilité de la Toile La pertinence et la survie des hyperliens fournis par Eurêka sont impossibles à surveiller et à contrôler pour un seul homme. Yvan Cloutier déplore le manque de participation des membres de la liste, ne serait-ce que pour signaler un hyperlien périmé. L’intérêt est pourtant bien réel puisque tous les abonnés y sont ancrés et n'en dérogent pas. Ces quelques secondes que vous prendrez pour envoyer un courriel succinct peuvent grandement enrichir et contribuer à maintenir la base. L’enrichissement de cette dernière par vos découvertes ne fera qu’engraisser la somme des efforts herculéens déjà déployés et alimenter la conspiration de propagation du savoir collectif. L’immortalité de la véridicité des composantes d’Eurêka ne peut reposer sur un seul homme. Il n’en tient qu’à ses usagers de la perpétuer, pour leur propre bien. La recherche. Eurêka choisit Google. C’est Google qui vous a choisi ou vous qui avez choisi Google ? « Je choisis les moteurs d'après le nombre de pages qu'ils indexent, la syntaxe d'interrogation qu'ils utilisent et le mode d'affichage du bilan des résultats. Google indexe le plus grand nombre de pages quoique Wisenut est très près de lui. Pour l'instant, c'est Google que je privilégie parce que sa syntaxe est très simple. » De retour à l’homme ou curiosité pure Dans les adresses URL d’Eurêka, on voit apparaître le nom de Marylin Verge. Nous savons déjà qu’elle possède un coup de plume humain et réceptif aux univers qui l'entourent, doublé d'une fine lentille incrustée dans l’œil, mais encore ? « Marylin Verge est ma compagne, une collègue, devenue amie, devenue la femme de ma vie. Elle est d’une compréhension indéfectible, compte tenu des heures que je passe devant mon moniteur. » Elle ne semble pourtant pas être femme à avoir besoin de se réaliser par les autres, le secret ne serait-il pas qu’elle comprend, vit, et sait apprécier tout le sens et la profondeur du mot passion, celle que vous portez entre autres à vos travaux ? « La passion ne connaît pas la mesure » répond-il. Yvan Cloutier, un homme, une passion, une oeuvre. Yvan Cloutier, merci.
NDLGR : Cette entrevue m'a été gentiment accordée par Yvan Cloutier vendredi soir dernier. Depuis lors, une mystérieuse Catherine a contribué à la liste de façon tout à fait phénoménale, Boris-Joseph, Roger, Mélanie, Daryl, Marie-Louise, y sont aussi venus porter leurs grains de sel. Le vent tourne. La récolte est aux portes d'Eurêka. Portail. Base. Liste de discussion. 9:35:26 PM Permalien À vos claviers [] |
CybercultureLes universités virtuelles : adapter les environnement de travail. Béatrice Jaccaz. Vous avez dit « Marché de la connaissance » ? Michel Berhin. Apportés à nos écrans par Thot. La Toile est un Outil Puissant. 6:19:34 PM Permalien À vos claviers [] |
Une traduction peut-elle être anachronique ?Lexiques et calendriers. Extrait d'un article de Freddy Michalski diffusé sur Mauvais genres. « À ceux qui rêvent de paradis, perdu ou non, je répondrai que le paradis est ici et maintenant. Ni ailleurs, ni en un autre temps. La langue n'a jamais été plus belle. Parce que c'est la nôtre. » 6:09:44 AM Permalien À vos claviers [] |